La nostalgie est plus ou moins présente en chacun de nous. On a tous une période musicale chérie, suivant notre âge, notre parcours, notre évolution, etc. Même si l’on est artistiquement très éclectique, la musique qui a baigné notre jeunesse, et plus particulièrement notre adolescence, nous suit tout au long de notre vie. Ce papier est l’expression de ce souvenir, la manifestation nostalgique de cette période d’insouciance, de recherche (de soi, de sens) et d’errance. Mais ce n’est nullement un papier prônant une quelconque forme de passéisme, de « c’était mieux avant » !!! Juste un regard analytique dans le rétroviseur de la vie. Alors, retour vers cette fameuse année (celle de mes 16 ans), destination…1991.
1991 : Une année riche en sorties prestigieuses, en albums majeurs devenus cultes aujourd’hui. Une année où « L’international Indie » (rock, pop & electro) offrait au monde entier certains de ses plus beaux joyaux. !!!
Cette année là, les Spacemen 3 agonisant, pourtant phénix rock flamboyant il y avait encore peu, accouchait dans la douleur de leur œuvre testamentaire « Reccuring », disque qui scellera leur divorce. Autre chant du cygne d’un géant du rock indé des 80’, mais américain : « Trompe le Monde » des Pixies. En Amérique toujours, un « futur grand groupe » de Seattle, en publiant son second opus, va connaître un succès planétaire : Nirvana et son « Nevermind ». Beaucoup les considèreront comme les sauveurs de rock. Mais leur leader torturé Kurt Cobain ne supportera pas cette explosion médiatique soudaine qui entraînera son suicide ainsi que leur inexorable fin 3 ans plus tard ! A l’inverse, nettement moins tourmenté, les nerds du Post-punk épileptique (« Crazy Rhythms » 1980) à l’allure d’éternelle adolescent, les The Feelies, ayant déjà évolué vers un songwriting plus apaisé (en y intégrant pop et folk), publiaient tranquillos leur quatrième opus, « Time For A Witness », dans une indifférence quasi générale. « Nevermind », « Time For A Witness », deux poids, deux mesures (niveau accueil et traitement médiatique) ! Pendant ce temps, un groupe surgit de nulle part va sortir un premier album complètement barré et hors des canons indie rock alors en vigueurs. Son nom : Mercury Rev. « Yearself Is Steam » est un assemblage inouï de 9 longues pièces surréalistes et déstructurés, un néo psychédélisme savamment barré, montées chevaleresques et cavalcades épiques, dérives Shoegaze élégiaque. Un disque d’Americana malade, lysergique et dépressif, enregistré en milieux psychiatrique comme un geste indie rock ultime et déjanté avant leur grande mue artistique vers le succès (« Deserter’s Songs » 1998) en un rock progressif jusqu’à l’excès……et l’écœurement !
Le Loner Neil Young avec ses fidèle Crazy Horse, après sa tournée « Ragged Glory Tour » où il embarqua Sonic Youth pour ses premières parties, sorti un live d’anthologie en deux parties : « Arc-Weld ». « Weld », double LP regroupant certains de ses meilleurs titres et « Arc », disque totalement free composé d’un seul long titre de guitare noise remplie de larsen, distorsion et autres effets. Il montrera à ceux qui en doutaient qu’il est un véritable rocker, parrain du punk et du grunge, un artiste toujours au top. « Rust never sleep »…
De Londres, alors en plein « Summer Of Love », la bande à Bobby Gillespie (Primal Scream) s’acoquinait au producteur Andrew Weatherall pour un « Screamadelica » inspiré et mémorable, célébrant ainsi les noces du rock garage stoogien, du groove incandescent et de l’acid house/techno balbutiante. C’était la vague baggy ou Madchester (Stones Roses, Happy Mondays…). Mais de Bristol un autre son s’apprêtait à envahir la sono mondiale, le trip hop. La première salve fut envoyée par Massive Attack avec leur légendaire « Blue Lines ». Le label Warp naissant, quant à lui, allait explorer de nouveaux univers avec des productions électroniques avant-gardistes, notamment « Frequencies », manifeste techno du groupe LFO. Son onde de choc sera immense.
Une autre vague déferla en terre anglaise, emportant avec elle un mouvement novateur, inspiré et « drogué » : le Shoegaze. Et en 1991, elle fut particulièrement puissante en faisant s’échouer sur les côtes britanniques deux de ses plus beaux disques, telle deux bouteilles jetées à la mer mais qui trouvèrent fort heureusement auditeurs : l’expérimental et sonique « Loveless » de My Bloody Valentine et le très éthéré « Just For A Day » des nouveaux venus Slowdive. Deux œuvres, deux visions différentes du mouvement Shoegaze. Perso, j’adhère plus à l’option Slowdive et je trouve que « Just For A Day » est un des plus grands chefs d’œuvres du genre. L’indie pop anglaise ne fut aux abonnés absents cette année-là. The Field Mice, ce groupe du mythique label Sarah Records donnera de ses nouvelles avec « For Keeps ». Mais hélas, c’était pour la dernière fois. La fin d’une époque ???
Pendant ce temps, deux albums allaient posés les bases d’un rock nouveau : « Spiderland » des américains de Slint et surtout « Laughing Stock » des anglais de Talk Talk.
« Laughing Stock », c’est une œuvre d’une grâce absolue. En plongeant sa plume dans un grand bain de jazz et de Slowrock, Mark Hollis rénove en profondeur son songwriting et pose les bases du mouvement Post-rock. A l’image de sa pochette, l’arbre majestueux « Laughing Stock » sera une source d’inspiration pour de nombreux groupes : Bark Psychosis, Red House Painters, Codéine, Low, Labradford, A Silver Mt. Zion, Sigur Ros…