Je vous présente ici une sélecta de 3 disques Folk sortis cette année et que j’ai particulièrement apprécié. Trois versions ou visions différentes du Folk contemporain.

Alela Diane – Cusp (AllPoints) février 2018

En début d’année, Alela Diane est revenu dans les bacs avec un nouveau disque « Cusp ». Malgré son précédent « Cold Moon » en 2015, opus en collaboration avec le guitariste/compositeur Ryan Francesconi, mon dernier contact avec la prêtresse Folk remonte à 2013 et son sublime « About Farewell ». C’est donc avec un immense plaisir que je me suis plongé dans « Cusp », disque entièrement composé au piano. Elle dit d’ailleurs avoir redécouvert cet instrument qui, jadis la mettait mal à l’aise, et en avoir appris à jouer à 2 mains. Une œuvre apaisée, également marquée par la maternité car elle l’a créé entre la naissance de ses 2 enfants. Une Folk mélodique et acoustique.

Jonathan Jeremiah – Good Days (Aagoo Records) août 2018

Sublime et totale découverte perso, et ce bien que ce soit déjà le quatrième album de Jonathan Jeremiah. Sa musique ? Une Folk 100% groovy – Folk-Soul aux accents Funk et aux orchestrations ultra raffinées et sophistiquées. Une musique convoquant Bill Withers, Lee Hazlewood, John Martyn, Richie Havens ou Ray Lamontagne. Lui se réclame surtout de Serge Gainsbourg et Scott Walker.

Marissa Nadler – For My Crimes (Sacred Bones) septembre 2018

Son album « July » m’avait particulièrement séduit, l’ayant même classé n°12 de mes 30 albums préférés 2014. Une musique mélancolique aux ambiances crépusculaires et hantées, sorte de Dream-Folk gothique et onirique.

« Phases » Angel Olsen (Jagjaguwar) 2017

C’est par ce disque que j’ai réellement et pleinement découvert Angel Olsen. « Phases », regroupant des démos inédites, m’a immédiatement séduit, classant même ce disque en 27^ème place de mon top 30 LP 2017. La voix sublime et éthérée de la belle est ultra envoûtante. Les chansons de « Phases », extraites d’anciennes sessions studios non publiées des 3 albums passés, se situent entre Folk-rock à la Neil Young, Psychédélisme influence Velvet Underground, balade Country-folk lunaire et Indie lo-fi tendance soft Garage-rock.

Malgré l’apparent coté remplissage / chutes de studio, « Phases » s’avère être une très belle œuvre dont le pouvoir de fascination n’a pas fini d’opérer sur moi…et vous ???

Vendredi soir, je me suis rendu au théâtre de ma ville afin d’assister au concert de Piers Faccini, artiste que je suis avec passion depuis son premier album solo en 2004 (« Leave No Trace »). Venu présenter son dernier projet en date (« I Dreamed an Island »), le chanteur italo-anglais nous a transporté pendant presque deux heures dans son univers onirique d’une très grande douceur et d’une somptueuse beauté. Un véritable espace-monde créé à partir d’influences ethno-géographiques si diverses qu’il en serait presque le manifeste poético-politique du multiculturalisme.

En formule réduite, Piers Faccini (chant, guitares, tambourin et harmonica) était juste entouré de 2 excellents musiciens ultra virtuoses : Simone Prattico (batterie/percussions) et Malik Ziad (oud, mandole, gumbri, chœurs).

Mais plus qu’à un concert, c’est à un véritable voyage que Piers nous a convié. Une ballade musicale le long du bassin Méditerranéen, à travers différentes périodes et cultures, de l’Andalousie à la Sicile. Piers nous parle d’une île, réelle ou fantasmée ??? J’ai rêvé d’une île, dixit le titre de son dernier disque. Il nous conte l’histoire de ce lieu où, lors de son âge d’or, se croisèrent et cohabitèrent en paix diverses religions et cultures : latino-chrétienne, gréco-byzantine, arabo-andalouse. Une ère de tolérance et de partage où chacun s’enrichissait des différences de l’autre.

Diversité des rythmes, des sonorités, des styles (Folk, World/Musiques Traditionnelles, Pop ou Blues) et des langues avec des chansons chantées soit en arabe, français, anglais ou en dialecte sicilien. Un vaste melting-pot culturel où le métissage est une force mais aussi une réalité car fruit de notre Histoire commune, tout simplement. N’en déplaise aux extrémistes fanatiques de tous bords, à tous ceux qui voudraient séparer les hommes et construire entre-eux des murs ("Bring Down The Wall") !!

Ce spectacle fût pour moi comme un moment suspendu hors du temps, une véritable pause relaxante particulièrement appréciable en fin de semaine. Commençant tranquillement, l’ambiance est montée crescendo jusqu'à avoir, sur les derniers morceaux, une bonne partie du public debout, dansant et chantant avec le groupe. Une véritable communion ! Et dans un théâtre à guichet fermé, le concert c’est achevé sous une pluie d'applaudissements. Un concert exceptionnel et magique !!!

Le site de Piers Faccini autour de ce projet ici. 

« I Dreamed an Island » (2016, Beating Drum)

Dessins de Piers Faccini des 2 musiciens qui l'ont accompagné sur scène

Malik Ziad

Simone Prattico

Hey Mr Ferryman - Mark Eitzel (Merge) janvier 2017

Mon premier choc musical de cette nouvelle année : « Hey Mr Ferryman » de Mark Eitzel ! Entre Indie Rock ultra inspiré, Pop lyrique, influences Soul, vagues réminiscences électronic et Folk intimiste, ce sont 13 sublimes chansons qui composent cette grande œuvre. Mais malgré l’excellence de tous ces morceaux, une chanson rayonne d’une sombre clarté, un véritable joyau pop : « Mr Humphries ».

Mélodies belle à pleurer, arrangements et orchestrations pharaoniques, voix crève-cœur - chant à l’interprétation très habitée, lyrisme et mélancolie…La production très léchée est signée de l’ex-guitariste de Suede alias Bernard Butler, également multi-instrumentiste. 

Au final, un chef d’œuvre Pop moderne !!!

A lire, son excellente Carte Blanche dans le dernier Magic (#202, le numéro de la renaissance) où Mark Eitzel livre sa vision pessimiste mais ô combien réaliste de l’Amérique sous Trump.

Anders Osborne - Flower Box (Black on Dumaine) 2016

La période étant propice à la rétrospective, et les vacances m’offrant plus de temps, je parcours certains disques acquis lors de l’année et dont je ne vous avais encore pas parlé. Et aujourd’hui, c’est une véritable petite perle : « Flower Box » d’Anders Osborne.

Anders Osborne est né en Suède mais vit en Amérique, Nouvelle-Orléans, depuis pas mal d’années. Il joue un Blues-rock diablement énergique, une musique 100% Americana ! Anders est un sacrément bon songwriter, excellent dans l’art de la belle mélodie et de la construction rythmique, du changement de tempo au sein d’un même morceau. Certaines chansons démarrent tranquilles, presque acoustiques, pour partir dans un déluge de riffs lourds, puissants et sauvages, accompagnés de solos épiques digne de Neil Young. « Old Country » en est l’exemple parfait.

Anders joue fort, Blues-rock je disais, mais parfois aussi plus cool, Folk (la ballade « St. John ») ou même Reggae sur le titre « Born ».

Par ses jam sessions épileptiques, son super Band (digne du Crazy Horse), son jeu de guitare ultra virtuose - riffs protéinés et solos épileptiques - son chant tantôt grave ou nasillard ainsi que son sens inouï de la mélodie et des arrangements, ce disque est une véritable réussite. Un grand disque Blues-rock 2016...un grand disque tout simplement !!!

Terry Lee Hale - Bound, chained, fettered (2016, Glitterhouse) 8/04/2016

“…Un américain à Paris !!”

Je découvre seulement le travail de Terry Lee Hale, malgré sa pourtant déjà longue carrière (son first LP « Oh What a World » est sorti en 1993 chez les allemands de Normal Records). Un artiste qui a côtoyé la scène Grunge de Seattle, jouant en solo sur les premières parties de groupes comme Soundgarden, Screaming Trees ou The Walkabouts. Il figure même sur « Sub Pop 2000 », compilation du mythique label dont la pochette fût dessinée par Charles Burns. Mais à part cette participation, le contact avec l’industrie musicale américaine ne s’est jamais opéré. Et c’est sur des labels européens qu’il a été signé (Glitterhouse, Normal, Borderdreams). On n’est jamais prophète en son pays dixit l’adage ! L’Allemagne donc, puis la France où il s’est installé. Paris et plus récemment Marseille pour l’enregistrement de ce dernier disque. « Lié, enchaîné, entravé » dit le titre, métaphore de la carrière de Terry Lee Hale ??

Produit par Antonio Gramentieri, « Bound, chained, fettered » est un album dépouillé, élégant, mélodique et émotionnellement très puissant. La voix grave et envoûtante ainsi que les textes de ce cow-boy exilé sur le vieux continent touchent en plein cœur. Une musique d’obédience Folk flirtant avec le Blues et la Country-rock ou Alternative Country…Un Blues bastringue et destroy rappelant Tom Waits sur “The lowdown”.

Ça sent la mélancolie, l’errance solitaire, les ballades dans les grands espaces, l’Americana, l’exil…Un grand album Folk 2016…Un très grand album tout court !!

David Pajo, musicien incontournable (guitare, basse, banjo) pour plusieurs formations Indie essentielles (Tortoise, Slint, Zwan…), opère aussi en solo sous divers pseudos : Pajo, Aerial M ou Papa M. C’est donc sous cette dernière identité qu’il reviendra le 18 novembre avec « Highway Songs », son nouvel album qui sortira sur l’excellent label Drag City.

Pour patienter, voici un premier extrait (« Walking on Colorado »), la tracklist ainsi que la pochette de ce disque.

 Papa M - Highway Songs (18/11/2016, Drag City)

TRACKLISTING :

1. Flatliners

2. The Love Particle

3. Adore A Jar

4. Divid

5. Coda

6. Walking On Colorado

7. Green Holler

8. Bloom

9. Little Girl

EN BONUS : Son magnifique chef d’œuvre « Whatever, Mortal » (2001) en entier

Sur « A Sailor's Guide to Earth », excellent troisième album studio de Sturgill Simpson sorti en avril dernier, rayonne une petite pépite: “In Bloom” de Nirvana. Avec ses guitares bluesy & pedal-steel, ses cuivres groovy (trompette, sax, bugle), ses cordes célestes (violoncelle & violon) ainsi que son orgue envoûtant, cette reprise Country-folk/Soul du mythique groupe de Seattle est une réussite ultra planante ! Mais au-delà de cette chanson, c’est tout le disque entier qui vaut largement l’écoute. Et pour ne rien gâcher, sa pochette bleutée à l’ambiance maritime est magnifique.

 Sturgill Simpson - A Sailor's Guide to Earth (2016, Atlantic)